Article : l'inspiration

 

 

L’inspiration, dans la conception platonicienne, est un don des dieux.

Le poète écrit sous leur dictée, c’est un instrument entre leurs mains. Habité par les dieux, étymologiquement, son enthousiasme est leur source tumultueuse qui coule en lui.

Le poète est originellement un élu, qui par ce fait dérange la société des hommes, et en particulier du philosophe, qui cherche à se défaire de l’emprise des divinités pour penser par lui-même. Le poète sera donc exclu, par Platon d’abord, puis laissé en marge du pouvoir, même si parfois, grâce à son intelligence ou à sa faculté d’adaptation, il a côtoyé les princes ou les rois de ce monde, car à part Charles d’Orléans, on ne connait guère de personne aussi haut qui ait sincèrement eu le gout de la poésie.

Pourtant elle est issue des Muses, principalement celles de Mémoires qui avec Zeus ont présidé ensemble à la création. Mais les souvenirs et les éclairs poétiques font peur car le poète n’est pas maitre de lui-même, possédé par des pouvoirs mystérieux, souvent incompréhensibles. Il inquiète.

Son parcours jusqu’à nos jours est marqué du sceau de cette exclusion, qui se transformera naturellement en élitisme auprès des cercles importants de tous bords, n’ayant que rarement une influence prépondérante.

Cette vision de l’inspiration traverse les siècles, de Ronsard à Hugo qui se disait le réceptacle d’une voix supérieure, voire même de Rimbaud à ses débuts qui continue la tradition du poète voyant, de celui qui se sacrifie, prolongeant le romantisme dans son apologie de la mort sur l’autel des mots.

Cependant son « je est un autre » va bouleverser les références. Le « je » met en premier la personne, son existence, sa sensibilité, ses expériences, et son rapport aux autres hommes, à hauteur d’homme. La poésie devient une recherche intérieure, en relation avec ses frères humains. Baudelaire avait ouvert le chemin, certes en passant par la mort, mais non pas pour la diviniser, plutôt afin de retrouver la vérité de notre finitude.

Le dérèglement de tous les sens veut casser la forme pour atteindre l’être, sa profondeur, ses désirs, ses aspirations, son inconscient. Ce jeune homme, en manque d’amour, cherche l’amour de tous les autres, et son inspiration sera celle de tous.

L’inspiration n’est plus un souffle divin mais une force intérieure.

Le poète descend au fond de lui-même dans la quête et la compréhension du monde, pour connaitre la genèse de l’être, au-delà des apparences.

Les dieux ont disparu, les poètes vont-ils disparaitre aussi ?

Aujourd’hui, la diversité de leur inspiration et leur nombre grandissant, dans l’ombre et le silence, au milieu d’un univers trop rationnel, démontre au contraire la vitalité d’une poésie humaine et enthousiaste.

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